Pourquoi Le Hamel ? | Le potentiel humain | Précautions et préparatifs |
Le 29 mars 1918, près de Le Hamel. Vue de la vallée de la Somme. Les Allemands bombardent la vallée près de Le Hamel pour préparer une avance sur les lignes britanniques le 30 mars 1918. (Vue prise des hauteurs au nord de la Somme vers l'est). AWM E04663©
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Depuis la fin d'avril 1918 et l'arrêt
de l'offensive allemande de printemps, Le Hamel et ses environs formaient
un petit saillant d'ouest tenu par l'ennemi dans la ligne de la IVe armée
britannique (Rawlinson). Une crête surmontait le village à
l'est et constituait un excellent observatoire sur les positions du Corps
Australien au nord de la rivière et vers l'ouest dans
le secteur de Corbie le long des berges de la Somme (voir carte).
Quant au village, fortifié et bien défendu, c'était
un poste défensif clé pour les Allemands.
La capture de ce secteur permettrait de disposer d'un point d'observation déterminant (voir coupe). La défense de Villers-Bretonneux (à 6 km au sud) et de la route vers Amiens s'en trouverait aussi améliorée. De plus, les Alliés projetaient de lancer une offensive d'envergure sur cette partie du front. Tenir Le Hamel était donc un préalable utile pour une telle attaque demandant un support massif d'artillerie. Dans le cas contraire, les troupes d'assaut seraient à la vue de l'ennemi et s'exposeraient à des tirs de flanc. |
Le Hamel offrait l'occasion de reprendre
l'initiative. Voilà donc pourquoi les Australiens, commandés
par le général John Monash,
qui s'étaient déjà avancés à Morlancourt
au nord de la Somme (10 juin 1918), s'apprêtèrent à
faire de même au sud de cette rivière. Monash
avait aussi des motivations plus personnelles. Il venait juste de prendre
la direction du Corps
Australien et voulait tester son nouveau commandement en montrant de
quoi les Australiens étaient capables.
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Au début de l'été
1918, le potentiel humain du Corps
Australien n'était pas très élevé. Même
s'il ne s'agissait pas encore de la souche mortelle qui allait apparaître
en septembre, une épidémie de grippe éclaircissait
les rangs. A cela s'ajoutait un déclin important du recrutement
en Australie.
Les pertes n'étaient donc pas rapidement compensées par l'arrivée
de nouveaux hommes. Ainsi, les cinq divisions du Corps
Australien n'atteignaient que 90% de l'effectif optimum soit 8 255
fantassins par divisions. D'un autre côté, ces divisions étaient
très expérimentées et entièrement composées
de volontaires. Elles étaient aussi pour la première fois
sous commandement australien et le moral était donc très
élevé.
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Soldats australiens, américains et anglais déjeunant ensemble dans un bois près de Corbie le 3 juillet 1918. AWM E02697©
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Quatre des cinq divisions se trouvaient
dans le secteur de Le Hamel. L'opération à venir nécessitait
au moins l'effectif d'une division. Monash
choisit d'employer quatre brigades issues respectivement des 2e, 3e, 4e
et 5e divisions australiennes. De cette manière, chacune des divisions
pourrait participer à l'attaque et bénéficierait de
l'expérience du combat aux côtés des blindés
(dont nous parlerons plus bas). Au total, seulement 7 500 diggers étaient
disponibles pour prendre Le Hamel. Le Corps Australien manquait d'hommes
et il fallait aussi le préserver pour de plus vastes opérations.
Donc, ne pas menacer son intégrité au cours d'une action
locale visant à rectifier une petite partie du front.
De ce fait, le général Rawlinson proposa au général Monash d'utiliser des unités de la 33e division de la garde nationale américaine qui s'entraînait à l'arrière avec les Australiens. Le général G.W. Read commandant le IIe Corps Américain donna son accord. Monash obtint ainsi le renfort de dix compagnies des 131e et 132e régiments américains ; ce qui représentait environ 2 000 hommes. Ces dix compagnies seraient réparties par sections au sein des bataillons australiens afin d'être encadrées au mieux lors de leur première expérience du feu (consulter l'ordre de bataille pour plus de renseignements sur les éléments engagés). Les doughboys et les diggers s'entendirent vite très bien. Ces derniers trouvaient parfois leurs camarades américains un peu trop expansifs et étaient gênés par les discours de leurs officiers. |
Au dernier moment, le 3 juillet, on
apprit qu'à la suite d'un malentendu le général Pershing,
commandant en chef de l'armée américaine en France, n'avait
pas donné sa permission directe pour l'emploi de troupes américaines.
Il exigeait que les dix compagnies ne participent pas à l'assaut
et qu'elles soient retirées du front. Une telle nouvelle gênait
beaucoup les plans de Monash.
La moitié des bataillons allait devoir se réorganiser. Par
exemple, la 11e brigade passait de 3 000 à 2 200 hommes. Les soldats
américains furent profondément déçus. La petite
histoire raconte que certains d'entre eux auraient revêtu l'uniforme
australien pour pouvoir quand même se battre. En fin de compte, quatre
compagnies américaines furent autorisées à rester
car elles étaient déjà déployées et
il était trop tard pour les rappeler. De plus, Monash
menaçait d'annuler l'attaque si tous les Américains partaient.
En ce qui concerne les soldats allemands en face, c'était des Bavarois,
essentiellement de la 13e division de la IIe armée allemande commandée
par le général von der Marwitz. A part quelques endroits,
ils étaient plutôt mal retranchés. Comme nombre de
soldats allemands d'alors, ils étaient fatigués, sous-alimentés
et la grippe les frappait aussi. Cependant leur moral n'était pas
encore vraiment tombé et leur combativité restait encore
forte.
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Le plan de l'attaque fut arrêté
le 21 juin 1918. C'était la première opération montée
par John Monash
en tant que commandant en chef du Corps
Australien. Elle fut préparée avec l'extrême minutie
et le sens du détail qui le caractérisait. Dix bataillons
d'infanterie devaient attaquer sur un front large de cinq kilomètres
et demi et sur une profondeur moyenne de deux kilomètres et demi.
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Enfin, les informations concernant
l'attaque ne furent données aux officiers et aux soldats que progressivement,
au fur et à mesure que cela était nécessaire. Il ne
fallait pas qu'un soldat pris par l'ennemi risque de parler. Pour tromper
encore plus l'ennemi, la 15e brigade devaient simultanément attaquer
Ville-sur-Ancre à environ dix kilomètres au nord. Cette diversion
servirait à faire croire à l'ennemi que l'attaque n'était
pas seulement limitée à Hamel. Ainsi, les Allemands n'engageraient
pas immédiatement de réserves et ne mèneraient pas
non plus de contre-attaque locale.
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